L’auteur peu connu de La bella cubana


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José White, considéré comme l’un des plus grands violonistes du XIXe siècle.

Le poète et patriote cubain José Marti eut, pour le violoniste mulâtre cubain José White – qui lui inspira un immense respect mêlé d’admiration et dont il garda un impérissable souvenir – ces mots éternels : « L’art n’a aucune complexité que cet artiste colossal ne puisse surmonter ; il n’est aucun germe de merveilles dissimulées qu’il ne puisse déterrer et développer. »

Dans la Revista Universal du 25 mai 1875, Marti décrivait, dans un langage figuré peut-être plus proche du vers que de la prose, l’un des trois concerts donnés au Mexique par l’auteur de La Bella Cubana, qui fut unanimement encensé par la critique : « White ne joue pas de la musique, il la sublime. Les notes glissent sur les cordes, y restent, pleurent ; elles sonnent une après l'autre, comme sonneraient des perles en tombant. C’est un long soupir qui invite à fermer les yeux, c’est un gémissement féroce qui éveille l'oreille dormante. Le public reste accroché aux mouvements de cet archet ensorcelé, soumis à la superbe volonté de son maître qui domine, commande ».

Par contre, pour l’écrivaine et journaliste française Sabine Faivre d’Arcier, dans son livre José White et son temps, réalisé avec le soutien du ministère français des Affaires étrangères et du Service culturel de l’ambassade de France à Cuba, ce musicien exceptionnel né dans la province de Matanzas est encore trop peu connu à Cuba.

José White n’apparaît pas dans l’un des tout premiers livres de synthèse sur la musique cubaine intitulé La Musica en Cuba (La musique à Cuba). Cependant, une recherche plus approfondie nous permet de retrouver White dans le chapitre XV de son ouvrage Époque de transition, parmi des musiciens comme Guillermo Tomas, Cecilia Aristi, José Manuel (Lico) Jiménez, Ignacio Cervantes et José Sanchez de Fuentes.

Un paragraphe de Carpentier signale : « Parmi ces groupe de musiciens qui restèrent attachés à leur terre natale malgré leur vie cosmopolite, on retrouve le grand violoniste José White. Même s’il faut se méfier des superlatifs qui accompagnent souvent Cuba dans les références à ses musiciens du passé, une comparaison entre les critiques publiées en Europe, au Brésil et à La Havane permet d’affirmer que ce fut un artiste absolument extraordinaire. Par ailleurs, le fait qu’on lui confia la chaire de Jean-Delphin Alard (premier violon du roi, puis nommé par Napoléon III premier soliste de la Chapelle Impériale) au Conservatoire de Paris, en dit long sur ses mérites. »

Même si ses activités de professeur et de concertiste devaient le tenir éloigné de son métier de compositeur, White écrivit un concerto pour violon et orchestre dont la première eut lieu à Paris, un quatuor et plusieurs mélodies, y compris la habanera La bella cubana, qui fut son œuvre la plus connue, dont la mélodie fut très habilement construite sur un rythme binaire que l’on retrouve dans les plus anciennes guarachas et dans certains merengues haïtiens.

Né dans la ville de Matanzas d’un père français, Charles White, et d’une mère cubaine née esclave, Maria Lafitte, José White mourut à Paris le 12 mars 1918. Plusieurs dates sont avancées sur le jour de sa naissance, mais l’on a retenu le 31 janvier 1836..

Les recherches de Sabine Faivre d’Arcier nous ont permis de découvrir un fait peu connu qui ne fait que rehausser la gloire de notre José White.

Le 29 juillet 1856, il remporta le premier prix de violoncelle et violon en sa qualité de 21e et dernier concurrent à l’audition d’entrée au prestigieux Conservatoire de Paris. Il n’avait pas encore 20 ans qu’il avait déjà pris place parmi les musiciens les plus talentueux. Cependant averti par sa famille de l’état de santé délicat de son père, White rentre à Cuba, où il commence une brillante carrière. En novembre 1860, il retourne à Paris poursuivre sa carrière comme compositeur et musicien.

En décembre 1874, il revient dans son Matanzas natal. La guerre d’indépendance commencée par Carlos Manuel de Cespedes en 1868 durait déjà depuis plus de six ans et le pays vivait une époque d’effervescence révolutionnaire qui avait attiré White dès ses débuts. « Le 10 octobre de cette même année 1868, José White marqua d’une croix son calendrier… C’est un espoir immense qu’il fête avec sa mère et ses deux sœurs ».

À Paris, avant de s’embarquer pour Cuba, José White avait pris contact avec Ignacio Cervantes, qui était très engagé auprès des milieux indépendantistes. Il fit la connaissance de la non moins illustre pianiste et compositrice vénézuélienne Teresa Carreño, qu’il accompagna au violon lors de son inoubliable de noces avec Sofia Vivien. Durant son séjour à Cuba, Cervantes invita son ami à donner des concerts en faveur de la cause de l’indépendance. Le premier eut lieu à Matanzas et, les deux jeunes d’inclure au programme de leur concert, à chaque représentation, le chant patriotique La Bayamesa, composé par José Fornaris, Francisco Castillo et Cespedes lui-même, devenu par la suite l’Hymne national cubain.

À Santiago de Cuba, José White donna trois concerts, avant de se rendre à La Havane pour une représentation avec son ami Cervantes au Théâtre Tacon. Les paroles de La Bayamesa retentirent dans la salle, au milieu de vivats et des cris de « Viva Cuba libre ! », déclenchant les bruyantes protestations des Espagnols qui quittèrent la salle.

En ces temps troublés, il devint de plus en plus difficile de se produire en public et les deux musiciens durent donner leurs représentations dans des maisons privées. Ils retournèrent au Théâtre Tacon où, dès le deuxième soir, White fut placé sous surveillance par la police. Les autorités avaient infiltré des provocateurs. Une rixe éclata et le théâtre fut encerclé par les forces de l’ordre. Le lendemain, le capitaine général espagnol accusa Cervantes d’avoir provoqué l’incident et ordonna son arrestation. Lui signalant qu’il avait été informé que les fonds récoltés par ces concerts allaient atterrir dans les mains des insurgés, le capitaine général le somma de quitter le pays en compagnie de son ami White. Les deux jeunes s’embarquèrent pour le Mexique, et le 25 mai ils offrirent un merveilleux concert au Théâtre national où José exécuta une fantaisie sur plusieurs thèmes, dont le Carnaval de Venise. Succès total. Ils furent gratifiés d’une couronne de lauriers.

José Marti assista à cette représentation, à laquelle il consacra plusieurs articles dans la Revista Universal. Il y retourna le 6 juin pour la Sonate de Beethoven, et ensuite pour le Quatuor de Mozart, interprétés par White, accompagné du pianiste portoricain José Nuñez. De cette soirée mémorable, Marti a écrit : « Cette musique divine résonne encore dans mon cœur ! ».

White se rendit ensuite à New York, où il remporta de nouveaux succès. À la salle Steiway de New York, il joua avec Cervantes, et ce spectacle leur valut d’excellentes critiques des quotidiens Tribune, Daily Telegraph et Evening Post.

José White retourna à Paris, où il mourut. Il fut inhumé le 12 mars 1918 dans le panthéon familial au cimetière de Boulogne-sur-Seine. Six jours plus tard, le quotidien El Imparcial, de Matanzas informait, dans un article laconique, de « la mort du Paganini cubain ».

Pour sa brillante carrière musicale et son engagement patriotique, le mulâtre franco-cubain que fut José White mérite nos hommages les plus sincères.


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