Quand La Havane a connu la première automobile


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La première automobile a sans doute éveillée l'étonnement et la curiosité à La Havane, en décembre 1898, quand elle a fait ses premiers tours de roues « avec ses grincements de métaux mal assemblés et l’explosive taf-taf qui l'accompagnera pendant de nombreuses années de son histoire », comme dit Francisco M. Mota dans son intéressant livre Por primera vez en Cuba (Pour la première fois à Cuba).

Ce véhicule roulait à seulement douze kilomètres à l’heure et coûtait un peu plus de six mille francs, soit mille pesos. Il s’agissait de l’une des premières marques automobiles de la naissante industrie française de ce secteur.

L'usine, nommée La Parisienne, avait livré exclusivement sa représentation à La Havane à José Muñoz, qui pensait sortir des bons profits de cette convention. Cependant, cela a fleuri uniquement dans son esprit, car dans un recensement effectué dix ans plus tard sur les véhicules et les marques qui se trouvaient dans la capitale cubaine on trouvait très peu de voitures de La Parisienne.

Par ailleurs, il y a une vieille photo qui perpétue l'événement. Muñoz, avec son épouse à la droite du volant, exhibant leur éblouissante acquisition : la première voiture qui roule dans les rues de La Havane au milieu de la surprise, de l’admiration et même les quolibets des gens.

Mais... les affaires sont les affaires.

Et cette phrase pouvait très bien être celle qu’a prononcée ledit Muñoz alors qu’il arrangeait ses moustaches quand il a décidé d'introduire la première automobile à Cuba en décembre 1898.

On peut probablement croire que c’était par snobisme ou arrogance des nouveaux riches, mais rien n'est plus éloigné de la vérité.

L'homme avait passé les années de la guerre d'indépendance à Paris, où il a pu connaître de visu la façon dont ce nouveau moyen de locomotion allait conquérir le monde. Il ne le pense pas deux fois et de retour dans l'île, à l'époque de la première intervention, il pourrait obtenir un bon profit de la vente « de ce véhicule qui n'avait aucuns chevaux et qui était capable de s’autopropulser ».

La chronique sociale a fait écho d’un tel événement dès les premiers jours, car l'automobile était alors considérée comme un objet de luxe et de distinction et non pas une nécessité comme  l’est maintenant.

Un fait si exceptionnel ne pouvait pas passer inaperçu à Enrique Fontanills, le plus notable des chroniqueurs sociaux de l’époque, montrant en revanche une nouvelle forme d'ostentation, et qui, cependant, lui prodiguait une nuance de plaisanterie créole :

« Il y a trois ans, quand monsieur José Muñoz a eu l’idée de se montrer dans sa voiture originale dans les rues de La Havane, les gens ne sortaient pas de leur étonnement ».

« Vous vous souvenez ? Ce fut un carnaval, et beaucoup crurent qu’il s’agissait d’une blague » :

- Monsieur, est-il vrai qu’elle avance toute seule ? – a-t-on entendu sur le Prado -

-Madame... vous ne voyez pas qu’il y a un galicien dedans qui l’a pousse… ! 

Comme je le disais, le premier qui a apporté une voiture à La Havane a été José Muñoz, mais il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’un autre représentant de la bourgeoisie cubaine, l'apothicaire Ernesto Sarrá, se convertisse en le second des automobilistes qui parcouraient la capitale cubaine.

Ceci a eu lieu en juin 1899.

Cette fois, la voiture a été achetée dans une usine de Lyon, en France, une Rochet et Schneider, plus puissante que celle de Muñoz et qui coûtait quatre mille pesos. On disait qu’elle atteignait une vitesse de trente kilomètres à l’heure.

Toutefois, cette automobile avait aussi ses défauts. Elle possédait un volant à l'arrière, la transmission était par courroie et malheureusement elle sortait de sa gorge tous les six ou sept cents mètres, donc l’orgueilleux apothicaire descendait et la remettait en place.

Le négociant Muñoz ne se donnait pas pour vaincu. Il a réussi enfin à vendre une sorte de petit camion de La Parisienne, capable de transporter une charge de cinq cents kilos – ce qui était alors beaucoup - à l’entreprise Guardia y Compañía pour une affaire de cigarettes.

Le quatrième véhicule de l'histoire roulante à Cuba a été acheté par l’éditeur de La Gaceta de La Habana, don Rafael Arazoza, à la Locomobile and Co of America, qui en produisait déjà plus de cinquante par an et les vendait entre trois et quatre mille dollars. Il s'agit de la première des nombreuses voitures nord-américaines qui rouleraient dans l'île.

La première course automobile à La Havane a eu lieu en 1903, dont le vainqueur fut le Français Dámaso Lainé, propriétaire du premier garage dans le pays, situé dans la rue Zulueta, et où se trouvait également ce que l'on pourrait considérer comme la première station-service de Cuba.

Deux ans plus tard, en 1905, le Cubain Ernesto Carricaburu bat le record mondial de vitesse à La Havane, ce qui atteste que l’on ne roulait pas si doucement sur nos routes poussiéreuses.

En 1913 il y avait plus de mille voitures dans le pays, conduites par des hommes.

La première femme qui s’est assise derrière le volant a provoqué un véritable scandale. C'était en 1917 quand Maria Calvo Nodarse, La Macorina, a obtenu son permis de conduire, une dame n’ayant pas une très bonne réputation et dont une sorte de refrain d'une pièce musicale l’a catapulté vers la célébrité : « Met la main ici, Macorina... »

Avec le passage du temps, il est devenu plus fréquent de voir une femme conduire un véhicule. On dit que Flor Loynaz a eu un le dédiant même des poèmes. Par ailleurs, le poète espagnol Federico García Lorca a parcouru avec elle  les rues de la Havane. Et ce véhicule a été utilisé dans une action contre la dictature de Gerardo Machado, le couvrant d’un mystère singulier. Comme c'était une voiture bien connue, la famille Loynaz a décidé de la cacher entre les murs de sa maison.

Mais il serait curieux de savoir maintenant quels principes prenaient en compte Ernesto Carricaburu quand, en 1905, en qualité de Président de la Commission d'Examen, a accordé les premiers titres officiels aux conducteurs.

Mais comment les composés ceux-ci conduisaient-ils quand il n'y a aucun sémaphores ou panneaux de signalisation ?

Le premier sémaphore a été installé en 1930 à La Havane.

Le premier accident a eu lieu dans cette capitale en 1906 quand Luis Marx, chauffeur du général Montalvo qui ramenait Tomás Estrada Palma d'un repas, à l'intersection des rues Monte et Ángeles, a renversé le piéton Justo Fernández, lui causant la mort.

Le premier guagua (autobus) à Cuba a commencé à offrir ses services de Güira de Melena à San Antonio de los Baños.

À ce moment là, les jours de l’arrivée de la première automobile à La Havane, en 1898 restaient en arrières quand les gens disaient des plaisanteries :

« Comment va rouler cette voiture toute seule ! Ne voyez-vous pas qu’il y a un galicien dedans qui l’a pousse… ! 


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