Depuis son enfance, il a de grands rêves et son esprit a voulu explorer les coins les plus inaccessibles de l'être humain. Il raconte qu'il rêvait d'être pilote de l'aviation civile, mais que son père l'a amené à apprendre le piano. Cependant, le moment décisif de sa vie date de l'époque à laquelle il avait 11 ans lorsqu'il a écouté le violoniste russe Leonid Koghan, qui est venu à La Havane à ce moment-là et dont la façon de jouer cet instrument a ému cet enfant d'une telle façon qu'il est tombé amoureux à jamais du violon.
Cette histoire de souhaits et de découvertes est celle de l'un des plus grands violonistes vivants qu'il y a actuellement à Cuba, le Maître Alfredo Muñoz – intellectuel inlassable et actif -, tant en ce qui concerne le répertoire qu'il interprète en qualité de soliste, avec son regard pédagogique aigu, que l'art difficile de la musique de chambre.
« J'ai fait beaucoup de choses dans ma vie. Cela fait 50 ans que j'ai reçu mon diplôme de niveau supérieur de l'Université des Arts. J'ai partagé ma carrière avec ma femme, Vicky (María Victoria del Collado), avec le duo Promúsica –qui a été fondé cela fait presque 40 ans– la musique de chambre et le monde de l'enseignement : ce sont les chemins que j'ai empruntés”.
Pour évaluer l'empreinte laissée par le duo Promúsica dans nos salles de concert, l'avis du compositeur cubain Leo Brouwer, de renommée mondiale, est illustratif. Il utilise des qualificatifs spéciaux : “Promúsica, axe et charnière de la musique à Cuba ».
Une telle dénomination est due à la lecture savante et rigoureuse des partitions, au contrôle instrumental et à la recherche de l'intention musicale de son leader le Maître Alfredo Muñoz.
Son magistère substantiel s'est nourri de cette expérience vitale dans la musique de chambre. Les élèves des conservatoires Amadeo Roldán, Alejandro García Caturla et l'Université des Arts de Cuba y ont puisé.
Nous avons pu converser avec ce remarquable interprète dans une interview exclusive à Radio Enciclopedia.
Maître, vous êtes un artiste inlassable et le fait de se consacrer durant tant d'années à la musique de concert à Cuba est, parfois, une tâche très ardue. Quelle est la raison de cette persévérance?
« Une très chère amie dit que je suis un fou passionné de musique et, puisque qu'on parle de cela, la fille de mon professeur de violon m'a dit, il y a peu, la même chose et c'est comme ça, j'aime ce que je fais et je le sens comme un besoin, je crois que c'est le rôle qu'il m'a été donné de jouer. Puisque j'aime la musique et je joue du violon , je dois toujours essayer de le faire le mieux possible et d'étudier encore plus, bien que j'aie 70 ans car c'est ma raison d'être ».
Pourquoi cette recherche insatiable de répertoires?
« J'aime les défis et nous avons cherché cela, durant 37 ans, avec le duo Promúsica. Nous avons un répertoire qui frôle les 200 œuvres, touts grandes.
Avec la musique de Piñera nous avons enregistré le disque Órficas qui a eu un prix à Cubadisco. Ce sont neuf œuvres contenues en réalité dans deux disques. Nous avons interprété 18 bartokiennes, des œuvres inspirées de Béla Bartók, 20 prokofiennes, sept trios de (Dmitri) Shostakóvic, toutes révisées par le Maître Piñera dont nous avons présenté en première au Costa Rica le concert pour violon, piano et orchestre. Nous relevons avec plaisir ces défis que nous lancent les nouvelles œuvres. Travailler ou côtoyer un compositeur comme lui est un plaisir pour un musicien, car on se retrouve à bord d'un brise-glace ouvrant des choses intéressantes ».
Chez vous l'enseignement n'est pas simplement un travail, mais un espace nécessaire qui permet la rétro-alimentation.
« Si je met sur une balance ce que mes professeurs et mes étudiants m'ont appris, ce que mes étudiants m'ont appris pèse beaucoup plus. On apprend beaucoup en enseignant, la vision d'un professeur devient plus large quand il s'approche d'un nouveau apprenant. Dans la vie réelle tu as du mal à écrire, mais étant donné que tu as été alphabétisé, tu veux apprendre à une autre personne à écrire et tu sera obligé de chercher toutes les ressources dont tes professeurs et tes parents n'ont pas disposées quand tu étais étudiant afin de transmettre les connaissances ou, au contraire, quelque chose a été très facile pour toi et tu n'as pas eu de mal à l'apprendre , cependant tu te retrouves face à un étudiant qui a des difficultés pour apprendre, et tu dois étudier le problème de nouveau et y réfléchir. Une fois j'ai pris un violon à l'envers pour pouvoir jouer avec la main droite et utiliser l'archet avec la main gauche, le tout pour comprendre ce que j'étais en train d'enseigner à ce moment-là dans le niveau élémentaire. C'est la tâche du professeur : se mettre à la place de l'autre, comprendre sa vision et l'aider à parcourir son chemin »...
Des rêves, des projets...
« Parfois on dit : « je prendrai ma retraite quand j'aurai 70 ans ! C'est un mensonge. Demain on trouve une partition qui t'enthousiasme et qui te pousse à continuer. Il y a un autre trio du compositeur tchèque Bohuslav Martinů qu'il serait intéressant de jouer.
« Je vais paraphraser Leo Brouwer : le fait d'être musicien c'est comme une conga qui sort d'ici et qui traverse les Montagnes de l'Oural et qui continue à avancer, qui ne s'arrête jamais car on aime être musicien et cela nous plaît ».
Traduit par: Reynaldo Henquen Quirch
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