Rythmique et désinvolte ; brillant et évolutif ; musicien avec tout son corps ; controversé et versatile : c’est ainsi que l’on pourrait décrire, en grands traits, Benny Moré, « El Bárbaro del Ritmo » (24 août 1919 - 19 février 1963), le musicien cubain dont les chansons ont parcouru la moitié du monde et qui, encore aujourd'hui, sont entendues avec plaisir et sympathie.
En dépit des qualificatifs plus ou moins vrais, la personnalité singulière de Benny rompt n'importe quel schéma et brille comme le font seulement les véritables pierres précieuses.
Son expression corporelle, son port, son costume caractéristique et sa chorégraphie devant le public étaient des éléments essentiels de Benny. Même l'usage de cris au milieu de la danse lui proportionnaient la communication et le lien essentiel publique/interprète. Tout en lui était une grande expression de l'éloquence artistique.
À Cuba, qui ne se souviens pas des anciennes photos de Benny Moré, avec sa canne, son chapeau et son large pantalon, décontracté et original, dirigeant son orchestre avec tout le corps ? Cet artiste a dépassé les frontières nationales avec des chansons attrayantes comme Bonito y sabroso, Dolor y perdón, Maracaibo ou Castellanos que bueno baila usted.
Benny se reflète également au cinéma, par exemple dans les films Carita de angel (1946) ; Novia a la medida (1949) ; Cuando el alba llegue et Fuego en la carne (1949) ; ou Quinto patio (1956), même si ce sont souvent de brèves apparitions, même sans être inclus dans la distribution.
Un fait ne l’a pas favorisé dans cette facette, quand le célèbre « Roi du mambo », Dámaso Pérez Prado a eu son boom cinématographique, Benny n'était plus dans son orchestre. Même, quand le film Al son del mambo (1950) a été tourné, Moré l’avait déjà abandonné et sa voix a été doublée par un autre chanteur cubain, Yeyo Estrada.
En l’écoutant on ne se rend pas compte de sa dynamique sur scène et son extraordinaire capacité à briser les patrons établis. En réalité, tout en lui faisait partie de sa musique et de la façon originale de diriger la « Banda Gigante », comme il appelait son orchestre, avec sa canne, ses mains, ses jambes, ses épaules et même avec son chapeau. C’était la touche magique d'improvisation d’un génie.
En chantant sa chère Santa Isabel de las Lajas, sa voix module la mélodie sans relâche, c’est un cri et une roulade en même temps, un véritable acte d'amour avec sa ville natale.
Possesseur d'un grand magnétisme personnel, Benny joint le timbre cristallin de sa voix de ténor, parfaitement affinée, la capacité de réaliser des timbres nets, des merveilleuses possibilités d'improviser et une humilité à toute épreuve qui, alors qu’il était déjà célèbre, lui a fait dire un jour :
« Ce qui se passe, c'est que la gloire m'accable et même l'argent. Car rien de cela me rend fou, je n’accepte pas les flirts avec la gloire, je la rejette ».
Benny n'était pas bien vu par l'aristocratie créole. Noir et d’un origine très humble, il n’a jamais oublié le temps des difficultés, des vexations et des humiliations qui accompagnaient alors les hommes et les femmes d'une telle condition, même s'ils étaient de véritables talents.
Incroyablement, il ne savait pas lire la musique, mais il jouait la guitare et le tres (guitare cubaine à trois cordes doublées), mais il savait diriger ses musiciens comme personne.
Benny Moré est décédé le 19 février 1963, avec lui disparaissait l'esprit créole et le visage souriant mais il vit dans ses créations magistrales grâce à son génie.
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