Eduardo Torres Cuevas, la Patrie avec noblesse


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Photo: Morejón, Roberto

Il est des personnes qui ressentent le poids de la Patrie sur leurs épaules, mais au lieu de s'en sentir submergés, elles le portent avec noblesse. Pour ces personnes, cela signifie porter tout ce qui fut, tout ce qui aurait pu être et tout ce qui sera. Et dans cette puissance du possible, elles déploient leur vie qui finit nécessairement par devenir un enseignement.
Torres Cuevas est mort, l'un de nos grands encyclopédistes. Cet homme était extraordinaire. Ceux d'entre nous qui avons eu la chance de nous trouver à l’occasion dans son jardin, à l'ombre de cet arbre, bercés par la brise et le colibri qui y nichait, avons vu passer les heures qui, dans sa bouche, se transformaient en jours, en mois, en années, en l'histoire même d'une Cuba qui se réinventait, encore et encore, tandis que l’on pensait, comme une aube, la conscience de ses enfants les plus illustres.
Eduardo est mort, cet homme qui s'était donné pour mission de nous enseigner à penser Cuba, une prouesse qui tenait autant de l'évocation que de l'instrumental. Tout en lui était militantisme infatigable. Aucune idée ne nous appartient tant que nous ne l'avons pas intégrée comme sens commun dans la conscience sociale des peuples. Et ce processus d'assimilation héroïque, telles les incantations, doit se répéter continuellement pour ne pas se perdre, lorsqu'il passe d'une génération à l'autre.
Il fut, pour les Cubains d'aujourd'hui, celui qui évoquait, au-delà de la conjoncture, les entrailles de ce qui nous fait exister. Je serais tenté de dire qu'il était notre Merlin, mais en réalité, il était notre Mackandal [esclave marron haïtien révolté], se transformant et transformant : d'arbre en arbre, de fruit en fruit, de colibri en colibri. Toujours à l'écoute du murmure de la Patrie.
Il fut toujours attentif, même à ce souffle imperceptible que l'on trouve aussi bien dans un grand coquillage que dans la mousse de la pierre humide qui veille depuis la montagne. C'était cela sa magie, faire souffler les vents pour que l'être cubain reste l'acte héroïque de commander les tempêtes.


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