Fausses notes à Las Vegas


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Photo : œuvre de Julio Alessandroni.

On voyait venir les fausses notes à la cérémonie des 22e Latin Grammy Awards le 18 novembre. Il ne pouvait pas en être autrement car, dès le début, lors des nominations, il y eut une dissonance absolue avec l'inclusion, parmi les finalistes de deux catégories, d'un pamphlet produit et conçu dans le cadre de la tentative de coup d'État en douceur menée par le gouvernement étasunien actuel – et le précédent –, ses agences fédérales et ses institutions connexes, l’extrême droite enracinée en Floride et ses acolytes internes qui ne cessent d’intriguer pour subvertir le système politique et social adopté par la grande majorité des Cubains.

Alors que les lauréats, lorsqu’ils recevaient leurs gramophones dorés, remerciaient leurs familles et leurs collaborateurs, saluaient la réaction du public face à leurs productions et mettaient en avant l'importance de la musique latine dans l'imaginaire populaire et sur le marché mondial du disque, les laquais qui ont donné corps et voix à la chanson et l'un de ses sponsors ont tenté d'attirer l'attention sur une fiction délirante à laquelle ils veulent faire croire : celle d'une Cuba en faillite, ingouvernable, dictatoriale, ayant besoin d'une agression prétendument salvatrice.

Il est évidemment que derrière cela et avant tout, il y a des intérêts qui sont reconnus ouvertement par des médias non affiliés à des causes progressistes. Un influent journal catalan a dit de façon explicite qu’« au-delà des motifs musicaux, les Latin Grammys ont voulu la nommer pour deux prix ». Une station de radio californienne a commenté sur son site Internet la semaine dernière : « si la tribu urbaine cubaine ne portait pas un message contre le gouvernement cubain, elle aurait difficilement pu rivaliser avec les productions d'autres représentants du genre. » Un journaliste mexicain, dans un journal à grand tirage, notait quelques jours plus tôt : « Qu'elle soit primée ou non, on s'attend à ce que la réponse (dans les milieux qui la promeuvent) soit écrasante, mais que les effets réels sur la situation politique à Cuba soient incertains. »

Le spectacle a commencé dans l'après-midi, avec une ridicule mise en scène de l'un des interprètes de la chanson, un chanteur de reggaeton minable, amené à la dernière minute de Cuba et qui, dans l'une de ses premiers actions, a montré son attachement à Luis Almagro, l'imprésentable Secrétaire général de l'OEA, et l'actrice espagnole menottée au membre le plus actif de l'équipe, celui-là même qui demande à l'administration Biden de mettre en marche sa machine de guerre, à l'Union européenne de joindre au blocus, tout en espérant que davantage d'argent coule pour le renversement du gouvernement cubain légitime.

Pour sa part, la jeune femme, dans un accès de larmoiement romanesque, est allée jusqu'à comparer Dulce Maria Loynaz à Gloria Estefan. Sait-elle ce qu'est la poésie de Loynaz ? Ensuite, le mari de Gloria, le puissant Don Emilio, est venu chercher le prix de celle-ci et, intervenant tout à fait hors de propos, il a dédié le prix à une « Cuba libre » – comme si elle ne l'était pas - et à ce qui « se passe là-bas ». Une expression énigmatique, car ce qui se passe ici n'est sûrement pas ce qu'il imagine.

Enfin dans la soirée, ce fut le déchaînement. Une piètre démonstration plus applaudie à Miami qu'à Las Vegas, plus dans les cercles des meneurs anti-cubains que parmi les spectateurs de l'événement au MGM Green Grand Arena, qui sont restés avec l’envie que cette chanson soit l'hymne de la révolte qu’elle n’a jamais été.

Heureusement, il y eut une autre Cuba à la cérémonie de remise des prix. Celle du cha cha cha de l’orchestre Aragon dans les versions rénovées par Alain Pérez et Issac Delgado – un grand mérite quand on sait les difficultés que doit traverser une maison de disques cubaine comme Egrem pour s’insérer dans ce milieu. Par chance, elle a bénéficié de la collaboration d'El Cerrito, un projet d'amis californiens très loyaux – ; le triomphe du jazzman Ivan « Melon » Lewis, l'agréable nouvelle que l'ingénieur Maximo Espinosa, de Santiago, faisait partie de l’équipe d'enregistrement primé de Pucho C. Tangana, El madrileño, et la contribution d'un autre Santiagais, le maestro Manuel Barrueco, à la Meilleure composition classique, Sonate pour guitare, du Portoricain Roberto Sierra.

 


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