Pour Fidel, une révolution ne saurait se limiter à la modification des conditions de vie matérielles de la population. Même si elle améliore ostensiblement la situation de la majorité, elle ne sera jamais complète et durable si elle n'est pas aussi une révolution culturelle. Elle se doit de changer l'environnement des êtres humains et de changer les êtres humains eux-mêmes. C'est pourquoi, lorsqu'il visita l'Université centrale du Venezuela en compagnie d’Hugo Chavez, il déclara que « toute révolution est fille de la culture et des idées ».
Il est important de se pencher sur la signification culturelle de la proclamation du caractère socialiste de la Révolution, le 16 avril 1961, à la veille de l'invasion de la Baie des Cochons. Deux ans, trois mois et 15 jours seulement s’étaient écoulés depuis la victoire du 1er janvier 1959. Parallèlement à des transformations radicales de toutes sortes au profit du peuple, il y eut un renouveau accéléré et massif dans le domaine de la culture et de la conscience, qui fut déterminant pour que les principes et les idées associés à la fierté patriotique, à l'anti-impérialisme, à la justice sociale et à la démocratie authentique deviennent hégémoniques.
Après avoir subi pendant un demi-siècle l'influence yankee constante émanant du modèle néocolonial, Fidel put enfin déclarer que nous avions fait une Révolution socialiste « des humbles, par les humbles et pour les humbles » au nez et à la barbe de l'impérialisme. Il est évident que le jeune processus révolutionnaire avait déjà, à une date aussi précoce, franchi des étapes surprenantes dans la conquête de l'hégémonie culturelle.
Malgré l’invasion de Playa Giron, dans la baie des Cochons, et de nombreuses autres agressions (actes terroristes, assassinats d'enseignants et de paysans, actions criminelles de bandes contre-révolutionnaires), 1961 fut une année clé pour l'éducation et la culture. L'épopée de la campagne d'alphabétisation, véritable exploit ; la création de l'École nationale des professeurs d'art ; la rencontre de Fidel pendant trois longues journées avec des représentants de l'intelligentsia, où il prononça son mémorable discours fondateur de la politique culturelle révolutionnaire ; la création et tenue du 1er Congrès de l’Union des artistes et des écrivains (Uneac).
En 1988, lors du 4e Congrès de l'Uneac, le Commandant brandit la bannière de la culture et de la spiritualité comme un facteur essentiel dans l'effort pour offrir une vie meilleure à la population. « Le niveau de vie ne se résume pas à des tonnes de choses matérielles ; il faut des tonnes de choses spirituelles », devait-il déclarer. Pour lui, la culture n'est jamais quelque chose d'ornemental. Au contraire, il s'agit d'une force émancipatrice d'une énorme importance, capable de contribuer de manière décisive à l' « amélioration de l’être humain » à laquelle José Marti croyait si fort.
Le 20 novembre 1993, au moment le plus difficile de la période spéciale, Fidel prit la parole au 5e Congrès de l'Uneac. Plusieurs délégués évoquèrent avec angoisse l'émergence, parmi nous, de nouvelles formes de colonialisme culturel, de tendances qui méprisaient nos racines pour faire un clin d'œil malencontreux au touriste et au jeune Cubain avide de fausses expériences « modernes ». Au milieu de ce débat, le leader de la Révolution prononça une phrase qui nous a tous surpris : « La culture est la première chose que nous devons sauver. »
À une époque marquée par tant de privations, où nous manquions de tant de choses essentielles à la survie, Fidel donna la priorité à la culture. Bien sûr, il ne parlait pas exclusivement des arts et de la littérature. Il faisait référence à une notion plus large, plus profonde, qui a trait à ce qui nous définit en tant que nation, à ce à quoi Fernando Ortiz pensait lorsqu'il disait que « la culture, c’est la patrie ».
Il y eut une période où il encouragea fortement la « culture générale intégrale » : un concept qui englobe les connaissances historiques, politiques, idéologiques, économiques et scientifiques et – en même temps – la capacité de comprendre et d'apprécier les expressions artistiques et littéraires les plus complexes.
Cet être humain éduqué et libre qui est au centre de l'utopie de José Marti et de Fidel Castro, doit être préparé à comprendre pleinement la réalité nationale et internationale, à repérer et à déjouer les pièges de la machinerie d'information et de domination culturelle de l'empire et de la réaction. Ainsi, il ne pourra être hypnotisé ou trompé.
Dans son émouvant discours du 17 novembre 2005, Fidel se demande, par exemple, comment une personne ignorante et analphabète « peut savoir si le Fonds monétaire international est bon ou mauvais, (...) et si le monde est soumis et pillé sans cesse par (...) ce système. Il ne le sait tout simplement pas ».
Il y aborde également la manière subtile dont la publicité commerciale crée des « réflexes conditionnés » chez les êtres humains et « les prive de leur capacité à penser ».
Pour lutter contre ces séductions et à leurs effets toxiques, l'antidote le plus efficace est la culture.
« Quand ils affirment que le socialisme est mauvais (ajoute le Commandant), tous les ignorants et tous les pauvres et tous les exploités : répètent, par réflexe : le socialisme est mauvais, le communisme est mauvais. Et l'empire ne cesse de répéter que Cuba est mauvaise ».
Cette combinaison d'ignorance et de manipulation produit une créature pathétique : le pauvre de droite, le malheureux qui vote pour ses exploiteurs et, pour couronner le tout, les admire !
Lorsque le Commandant intervint à l'Uneac sur le thème « mondialisation et culture », il a signala qu'il s'agissait de « l'instrument de domination le plus puissant de l'impérialisme ». Dans cette lutte, devait-il ajouter, « tout est en jeu, l'identité nationale, la patrie, la justice sociale, la Révolution ».
Ce même 17 novembre 2005, Fidel déclara qu'il rêvait de la Cuba de demain, non pas comme « une société de consommation », mais comme « une société du savoir, de la culture, du développement humain le plus extraordinaire qui puissent être imaginés ». À une société jouissant d’une « plénitude de liberté » exceptionnelle.
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