Le fait que le jazz, du fait de sa capacité créative proverbiale et illimitée, soit un territoire de confluences avec diverses esthétiques sonores, y compris avec d'autres arts, a été un théorème démontré à La Havane, ainsi qu'à Santiago de Cuba, où s’est déroulée la 38e Édition du Festival international Jazz Plaza.
L'expérience menée par le compositeur et saxophoniste étasunien Ted Nash, lors de l'atelier et du concert qui ont eu lieu dans le bâtiment d'art cubain du Musée national des Beaux-arts, est à marquer d’une pierre blanche dans le programme de cet événement, du fait de l'exploration suggestive de la visualité insulaire, l'implication des étudiants et la proposition intégrative qui en a résulté, à laquelle ont participé le pianiste Alejandro Falcon et sa formation Cubadentro, le clarinettiste Janio Abreu et ses élèves de la chaire de musique populaire Moisés Simons.
Le concert Jazz x Art est né de l'intérêt de Nash pour l'avant-garde artistique cubaine, en particulier pour l'œuvre de Wifredo Lam. N’oublions pas que La jungla, une peinture à l'huile de Lam, est exposée au Musée d'art moderne de New York (moma), une institution où Nash a organisé en 2010 un événement qui a précédé celle qu'il a menée à La Havane.
En effet, le musicien étasunien s’est lancé dans une série d'improvisations inspirées de chefs-d'œuvre – conservés au moma – de Picasso, Monet, Matisse, Pollock, Chagall, Van Gogh et Dali, qui se sont cristallisées dans l'album Portrait in Seven Shades, enregistré par le Jazz at Lincoln Center Orchestra, dirigé par Wynton Marsalis.
Cette fois, Nash est venu à la recherche des tableaux de Lam que le Musée des Beaux-Arts détient et a trouvé bien plus, puisque les salles de l'institution recèlent l'avant-garde cubaine du 20e siècle. Les étudiants de niveau supérieur et moyen de musique ont suivi l'artiste et exposé leurs propres points de vue sonores et, en somme, pour tracer la trame musicale présentée au musée, en cette journée consacrée à la célébration du 170e anniversaire de la naissance de José Marti.
Dans un autre ordre d'idées, certains ont été surpris – et d'autres pas – que l'un des concerts de Jazz Plaza 2023 ait été consacré à l'héritage de Celina Gonzalez, que tout le monde reconnaît comme l'une des icônes de la musique paysanne cubaine. Si le pianiste Alejando Meroño a mené cette entreprise, et a obtenu des réponses plus que favorables de la part d'artistes de différentes générations, surtout de jeunes comme lui, pour recréer le répertoire de Celina, c'est parce que, de manière tangentielle, l'esprit du jazz, libérateur et expansif, nous invite à mettre à jour nos racines.
Le concert dédié à Marta Valdés a été un point de rencontre pertinent et un hommage amplement justifié. Son promoteur, Dayron Ortiz, a confirmé combien les chansons de la grande compositrice partagent son adn avec le jazz. Après tout, la trova cubaine dans son bond vers le filin a eu beaucoup à voir avec l'assimilation à Cuba, vers le milieu du siècle dernier, de la musique populaire étasunienne la plus authentique.
En effet, l'œuvre de Marta est un point à part en matière d'intensité mélodique, de précision lyrique et d'intelligence harmonique. La façon dont Dayron la ressent et l’incorpore à partir de la guitare et des lignes directrices des arrangements, qui fuient les clichés de la standardisation, est véritablement avant-gardiste. Une prestation qui intégrait, à partir de leurs perspectives et de leurs expériences personnelles, des interprètes confirmés comme l'indispensable Ernan Lopez-Nussa et le trompettiste Mayquel Gonzalez, et des artistes émergents qui se frayent un chemin, irrésistiblement, comme ceux qui composent La Tropa. Je suis sûr que Marta s’est souvenue de l'époque où elle faisait la promotion du jazz à la fin des années 1960, à la salle Hubert de Blanck.
Deje un comentario