Face à cette situation complexe que connaît le pays, selon vous, quelle devrait être l'attitude, le rôle des artistes ?
Voyons, la situation à Cuba a toujours été très complexe. Nous savons que nous pouvons mourir du virus ou de ceux qui veulent nous tuer. Oui, il y a une situation sanitaire complexe, mais il y a une situation encore plus complexe, qui est l'environnement politique qui se crée dans le monde autour de ce qu'est Cuba, et c'est quelque chose de très délicat. Donc, je préfère mourir du virus que d'arrêter de me battre et de me taire quand mon pays est attaqué de manière aussi horrible et injuste. Il est temps de se battre, il faut prendre soin de soi mais il faut se battre ; car ce qui est en jeu, c'est l'avenir du pays, de la patrie.
Et regardez, si Cuba tombe, le monde tombe ; et il n'y aura plus un bon arbre sur cette planète. Dans cet arbre de la Révolution cubaine, il y a des fruits très importants. Il faut savoir, et j'en suis convaincu, je vous le dis aujourd'hui, le 31 juillet - l'anniversaire de ma mère par hasard -, que la seule garantie de vaccination dont disposent les pays du tiers monde est dans les vaccins cubains. Le rêve de Fidel selon lequel « l'avenir de Cuba est nécessairement l'avenir des hommes de science » s'est réalisé. Nous savons que dans ce monde de 7 milliards d'habitants, un pourcentage très important de personnes va être sauvé car dans ce merveilleux pays il y a cinq vaccins. Et le monde sait, les gens savent que Cuba va partager les bénéfices de ses vaccins avec le monde qui en a le moins. C'est une réalité, et c’est cette réalité qu'ils essaient de cacher. Personne n'en parle, mais c'est la réalité la plus immédiate, la plus importante.Cette petite île bloquée, assiégée, a la capacité d'affronter comme personne - dans un moment aussi difficile et complexe que celle de la pandémie - tous les défis et chercher une solution. Écoutez, ici, dans mon studio, les gens de ma zone ont fini hier d’être vacciner avec la troisième dose d'Abdala. Cela en dit long. Ils ont longtemps voulu cacher cette réalité.
Le blocus est déjà un manque de respect face à l’intelligence et les capacités humaines. Que l'ONU vote chaque année contre le blocus et qu'il existe toujours est également irrespectueux. Eh bien, nous allons lutter contre le blocus, nous allons lapider le blocus, nous allons mettre l'art contre le blocus. Ce n'est pas par peur de la pandémie que nous allons cesser de défendre la Révolution. Nous prenons des mesures, des distances, et peignons, chantons, dansons et luttons pour la Révolution. C'est ce que nous faisons ici. C'est l'avenir. La Révolution cubaine est l'avenir, c'est toujours l'avenir, il n'y a pas d'autre moyen.
Nous comprenons que ce « Mural contre le terrorisme et le blocus » s'inscrit dans la lignée de deux fresques que vous aviez déjà réalisées, l'une en 2003 sur le Prado et Malecón, et l'autre en 2010 dans le Monument au Maine. Qu'est-ce qui relie celui-ci aux précédents ? Qu'est-ce qui le rend différent ?
Regardez, le fait que dans ce « Mural contre le terrorisme et contre le blocus » soit différent est qu’il y a beaucoup de jeunes. Par exemple, dans la peinture murale que nous avons réalisée dans le Monument au Maine, il n'y avait seulement que des artistes établis. Là est même venue Alicia Alonso, il y avait des poètes qui écrivaient leurs poèmes sur la fresque, il y avait de la littérature… Eh bien, cette peinture murale… est le futur des jeunes, alors comment partager ce que je ressens avec les jeunes artistes cubains du futur ? Écoutez, être révolutionnaire et être artiste n'est pas incompatible, ça ne l'est pas. Oui, c'est plus difficile, bien sûr, car l'art visuel est une culture d'élite ; les gens qui achètent de l'art visuel n'aiment pas le prolétariat, ni la Révolution ni les révolutionnaires, parce que cela affecte leurs poches.
Qu'ils apprennent à vivre avec nous tels que nous sommes, nous sommes comme ça.Respectez-moi pour ce que je pense. Ne me tolérez pas, respectez-moi ; c'est différent. Ces jeunes artistes qui sont en première année de San Alejandro doivent savoir qu'il n'y a rien de plus important que de défendre son pays. L'œuvre d'art vraiment importante et nécessaire qu'un citoyen peut faire est de défendre son pays. C'est l’œuvre qui restera : aimer la patrie. Il n'y a rien de mieux que ça.
Ces jours-ci, on a beaucoup parlé des quartiers marginaux, des endroits mal desservis. Nous connaissons le travail que vous avez mené ici à Romerillo pour changer l'image de la communauté, en lui donnant couleur, art et identité. Les gens respectent le lieu, ils s'y identifient. Quels sont les principaux impacts du travail réalisé au cours de ces années dans la communauté Romerillo ?
Les gens aiment l'endroit, ils ont un grand sentiment d'appartenance avec l'endroit, ils sont fiers de dire « Je suis de Romerillo ». C'est quelque chose que nous avons réalisé en travaillant avec les gens d'ici. Je vais vous dire quelque chose, le 11 juillet c'était l'endroit le plus calme de La Havane, et ça en dit long. Ici, tout le monde était calme, commentant ce qui se passait ailleurs. Ici, les gens ici sont très respectueux et ils ont répondu très honnêtement à ce que nous avons fait ensemble. Nous sommes ici depuis 2012 pour travailler avec les gens et tout ce que vous voyez est une conséquence de ce travail. Il y a un échange énergétique important entre l'art et les habitants, très, très important.
Et que pensez-vous qui pourrait être utile, de ce que vous avez fait ici, pour que cette expérience puisse être généralisée à d'autres communautés ?
Toutes les bonnes choses doivent être multipliées. Fidel m'a dit : « Putain, Kcho,pourquoi on ne te clone pas ? ». Non, Fidel, celui qui a besoin d'être cloné, c'est toi, parce que je suis inspiré par toi ». Vous ne pouvez pas imaginer combien d'idées j'ai sont des idées de Fidel, que les avaient en parlant avec lui. Il me disait une petite phrase et j'ai continué à réfléchir... et quelque chose m'est venu à l'esprit. Par exemple, la Brigade Marta Machado, que j'ai créée en 2008, je l'ai créé à partir de cette réflexion de Fidel intitulée « Un coup nucléaire », où il dit une petite pensée : « (...) Seuls les artistes pourront accompagner les gens dans leur lutte épique (…) ». Et avec cette idée, je me suis lancé et j'ai créé la Brigade Marta Machado. J'ai invité des artistes de toutes les formes d'art, des musiciens, des poètes et des fous, qui se sont rendus dans l'Ile de la Jeunesse pour travailler avec moi pour le peuple ; et les gens sont venus et sont allés dans d'autres provinces, et l'idée est toujours vivante aujourd'hui. C'était une idée de Fidel. J'ai des gens de tout Cuba prêts à affronter le cyclone pour monter dans un camion et m'accompagner pour construire des maisons, des écoles, des toits, des bénévoles ayant une immense passion. Et ça ce fait, ça ce fait encore. Chaque fois qu'il y a une catastrophe, les gens m'appellent et me demandent : « "Hé, Kcho, où dois-je aller ? » C'est très important. Et ce sont les idées de Fidel.
A bas le blocus !
Kcho Studio Romerillo
Conseil National des Arts Plastiques (CNAP)
Romerillo, Playa, La Havane, Cuba, 31 juillet 2021
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