Le patrimoine tangible et intangible est l'identité des peuples, un aspect que le Ministère de la Culture de notre pays tient en compte et, dans ses priorités, on trouve la réévaluation des éléments légués par les immigrants français arrivés à Cuba au XIXème siècle.
La zone orientale de l'île est patrimoniale par excellence et c’est précisément là que se trouvent les principales plantations de café françaises qui constituent un important exposant matériel du patrimoine mondial et de tout le système établi par l'homme en fonction de l'économie du café deux siècles en arrière. Ce sont des sites qui offrent un témoignage du processus de développement des plantations de café franco-haïtiennes dans la région, situées dans les provinces de Santiago de Cuba et de Guantánamo.
Ce site est constitué d'un ensemble de ruines et d’édifications agro-industrielles dans lequel non seulement sont représentées les preuves matérielles des anciennes haciendas liées au café, mais aussi le réseau de chemins qui les reliait entre elles et les points d'exportation du café qui, unis au paysage naturel, forment un tout unique
Cet ensemble architectonique étant d’une richesse extraordinaire et d’une beauté patrimoniale, où s’intègrent l’histoire, l’architecture et le paysage d'une façon exceptionnelle ; le 29 novembre 2000, lors de la XXIVème réunion du Comité du Patrimoine Mondial de Cairns, Australie, le site culturel « Paysage Archéologique des Premières Plantations de Café du sud-est de Cuba » a été inscrit dans la liste du Patrimoine Mondial. Ce qui confirme la valeur originale internationale de ce site qui doit être préservé pour la postérité.
Les événements ayant eu lieu dans l'ancienne colonie française de Saint-Domingue (1791 -1804) marquent le début des liens significatifs entre Cuba et la France, dû au fait qu’une importante population de Français, de différentes origines et classes sociales, se soit établie à Cuba entre 1800 et 1868, principalement dans les territoires du Sud-Est.
L'arrivée de ces nouvelles personnes a généré un prodigue échange culturel avec la population créole et hispanique de cette région de l'Île, ce qui a rendu propice le développement de divers métiers, dont un grand nombre s’implantait pour la première fois dans l'Île, en plus de diverses manifestations de l’art et de la culture.
À partir de 1803, de nombreux colons français se sont établis dans toute la cordillère de la Sierra Maestra, aussi bien dans les vallées que sur les flancs de la montagne, et ils se sont dédiés majoritairement à la culture de grandes surfaces de terres vierges jusqu'à ce jour, favorisant une culture supérieure à ce qui existait alors dans cette zone.
La présence des agriculteurs français consolide une économie des plantation agro-industrielles – petites, moyennes et grandes – et la production et le bénéfice du café la convertissent en exportatrice du précieux grain.
Bien que faisant partie d'un ensemble qui a fonctionné comme un système, chaque plantation de café présente des individualités qui la distinguent, montrant des éléments exceptionnels en différents états de conservation.
De diverses dimensions, l'unité typique agro-industrielle du café est structurée par le logement, l’entrepôt, les jardins, la zone industrielle, la zone agricole et le réseau de chemins.
Les zones industrielles sont les plus élaborées du point de vue architectonique et technique. C’est pour cette raison qu’elles ont survécues, en grande mesure, à la déprédation humaine et au passage du temps.
De ce processus socio-historique sont restés l'ensemble des constructions agro-industrielles du XIXème siècle et du début du XXème, construites avec le concours de maîtres maçons et menuisiers, singulières pour leurs caractéristiques typologiques.
On souligne aussi les terrasses pour les séchoirs, le système d’arcades, conçu pour soutenir l'aqueduc, les barrages et les étangs qui conservaient l'eau indispensable pour le processus industriel, l'emploi de solides contreforts qui résistaient à la poussée du terrain etc.
L’emploi du système humide pour le bénéfice du café est un élément de grande importance dans cette transculturation, lequel a commencé à Saint-Domingue et a atteint sa plénitude dans la région orientale de Cuba, constituant un antécédent direct du système moderne pour le traitement du grain.
La topographie de la région où se trouvaient ces plantations, dans les vallées et à flanc de montagne, a exigé des solutions astucieuses de la part des ingénieurs pour développer un réseau de chemins capables de favoriser le processus productif (chemin des collines), un réseau qui est arrivé jusqu'à nos jours.
Il est évident que la zone a été la scène d'un développement vertigineux de magnifiques plantations de café, où l'adéquation et l'intégration au milieu naturel et l'utilisation optimale des ressources environnementales sont remarquables.
Dans cet ensemble patrimonial d’une beauté surprenante nous trouvons la plantation La Isabelica, située sur La Gran Piedra, à l'Est de Santiago de Cuba, laquelle a appartenu au colon français Victor Constantin Cruzeau. C’est le vestige matériel le mieux conservé des anciennes haciendas du XIXème siècle.
Son ensemble était intégré d’un système formé par la maison, l’entrepôt, les séchoirs, les logements des esclaves, l’écurie, le cachot, l’infirmerie, le moulin ou tahona, le four, les latrines, la citerne d'eau, la carrière de chaux et de sable et tout un réseau de chemins et de rampes.
Le nom La Isabelica répond à une belle histoire d'amour transmise à travers les générations. La légende raconte que Constantin est arrivé avec une esclave haïtienne appelée Isabel María avec laquelle il a partagé l’hacienda et ils ont vécu une romance qui a duré toute leur vie.
La découverte des ruines de cette plantation, et d'autres de la zone, remonte aux premières décennies du XXème siècle quand un groupe de chercheurs ont exploré la Cordillère de La Gran Piedra, dont le résultat a été les plans du territoire où se trouvaient les anciennes haciendas et le réseau de chemins que les unissaient. La plantation La Isabelica a été restaurée dans les années 60, sous la direction de l’intellectuel Fernando Boitel Jambú. La plupart des composants en bois ont disparu, ne subsistant que les éléments en pierre où l’on peut voir les matériaux et les techniques de construction employés, offrant des caractéristiques originales quant au logement et dans la partie de production.
Le Musée La Isabelica a été inauguré dans le logement principal de cette plantation le 18 mai 1961, il est destiné à préserver les vestiges de cette culture et à maintenir vivante la présence française sur les hauteurs de La Gran Piedra. C’est une construction de style vernaculaire, sur deux niveaux, car elle servait à la fois comme résidence et comme secteur de production. Dans les salles nous pouvons voir des objets liés à l'émigration franco- haïtienne, certains trouvés lors des fouilles archéologiques réalisées dans les zones proches des ruines et d'autres donnés par des descendants français.
Ce musée, le seul qui aborde cette thématique, propose l'histoire des plantations de café françaises et de l'émigration franco-haïtienne à Cuba. On peut aussi apprécier des composants architectoniques tels que des murs, des escaliers et d’autres éléments constructifs qui dénotent la majesté et la monumentalité de la construction.
Ce patrimoine constitue un monument à l'ingénierie hydraulique, routière et un apport singulier de l'architecture domestique et aux systèmes productifs, dénotant l’intelligence de ces hommes pour profiter des espaces et de la topographie de la montagne.
Le « Paysage Archéologique des Premières Plantations de Café du Sud-Est de Cuba » est un site que l’on peut visiter aujourd'hui, témoin de la lutte de l'homme face à la nature, de son travail agro-industriel et des véritables expressions culturelles qui sont nées au milieu d'un paysage admirable, entouré de la flore et de la faune typiques du massif de la Sierra Maestra. Ce sont des empreintes palpables de la culture française née par une nécessité historique. « Les français, habitués aux conforts (…), se sont efforcés dans leur nouvelle patrie afin qu'ils recouvrent ce qu’ils aient dû abandonner » (1).
Note :
1- Bacardí Moreau, Emilio : Vía Crucis. Maison d’édition Letras Cubanas. La Havana, 1979, p.38
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