Don Miguel Matamoros, musicien autodidacte né à Santiago de Cuba, a le mérite d'avoir donné une nouvelle dimension au son dans les années 30 du siècle dernier.
Le son, selon la majorité des chercheurs et des sources consultées, a ses origines dans la région orientale de Cuba, fondamentalement dans ce que l'on appelle le bassin du Cauto, sur les rives de la rivière du même nom, la plus longue et abondante de l'Île.
Des spécialistes et des amateurs à outrance du rythme des toniques et des dominants identifient trois variantes fondamentales : le Nengón/Kiriba qui est très peu pratiqué aujourd'hui et qui s’écoute rarement hors de la zone précitée ; l’appelé « Perico Ripiao » ou son de manigua, fondamentalement dans le centre urbain de Santiago de Cuba, et le Changüí, une modalité interprétée dans les collines et la périphérie de la ville de Guantánamo. Les deux dernières sont les plus diffusées et sont arrivées jusqu'à nos jours soumises à de multiples influences.
Le style connu comme « Perico Ripiao », qui s’est établi dans les rues et les faubourgs de Santiago de Cuba à la fin du XIXème siècle, basait sa structure musicale sur la sonorité d'un type d'instrument créé dans la campagne de Cuba et qui serait connu comme Tres, qui n'est rien de plus qu'une guitare dont ses cordes sont regroupées en trois paires, donnant une sonorité très particulière. Cette façon de regrouper les cordes est très particulière des zones rurales des Caraïbes. À Porto Rico – pour ne citer qu’un exemple – on fabrique un instrument appelé Cuatro regroupant quatre paires de cordes. Le tres primaire du son était accompagné par une guitare et une paire de clés, en dernier ressort, avec la tumbareda ou le tingo talango et postérieurement par la botijuela.
Cette manière primitive de faire le son a évolué et, au début du XXème siècle, il traverse toute l'Île et il s’établit dans les rues de La Havane, où il gagne le sens cosmopolite qui l'accompagne jusqu'à nos jours et qui lui a ouvert les portes des salons de la périphérie jusqu'à l'arrivée des sextuors et des septuors. El Habanero a été la première en importance de ces groupes, mais ce sera le National d'Ignacio Piñeiro qui donnera la touche finale d'élégance au rythme apparu dans les collines orientales.
Au début des années trente il arrive dans les studios de la RCA Victor à New York avec le trio Matamoros, d'une part, et Arsenio Rodriguez, de l’autre, qui a modifié le septuor jusqu'à le convertir en une invention appelée « conjunto de son ». Les noms de Nene Manfugas et Sindo Garay commencent à être populaires, bien que le plus reconnu par l'histoire, les musiciens et le peuple soit Sindo, étant donné sa légende et sa musique.
Siro, Cueto et Miguel, les membres du trio Matamoros, sont passés de l'anonymat à la renommée à la même vitesse avec laquelle l'électricité s'est développée dans les principales villes de l'Île. Miguel Matamoros et son compadre Rafael Cueto ont appris le métier de musiciens lors des longues nuits santiagueras alors qu'ils chantaient et donnaient de sérénades, jusqu'à ce qu’ils s’unissent avec Siro Rodriguez qui jouait les maracas comme instrument au lieu de la guitare.
Pourquoi le trio Matamoros s'est converti en la plus grande étoile du son et pourquoi le nom de famille de Miguel est devenu le synonyme de la bonne musique jusqu'à nos jours ?
Au début des années trente, le son interprété par les sextuors et les septuors paraissait avoir occupé tous les espaces possibles. Les noms de Gerardo Martínez, directeur du sextuor Habanero, et d'Ignacio Piñeiro, leader du septuor National, étaient la référence obligée quand on parlait de bon son. Mais cela arrivait dans l'occident de l'Île. Dans l'orient, la façon de faire le son paraissait s'être arrêtée jusqu'à ce que le grand événement se produise: dans un magasin de la rue Enramada, RCA Victor a présenté un disque du trio Matamoros avec deux morceaux, El son de la loma et Olvido, un boléro qui sonnait différemment.
Trois hommes, trois instruments et une grandeur musicale jamais vue avant et, en outre, un boléro dans lequel le montuno sonero s'adaptait aux voix et à l'interprétation. On a affirmé que la première guitare de Siro Rodriguez créait une atmosphère musicale insoupçonnée et que l'accompagnement de Miguel Matamoros avec l'autre guitare suppléait tous les instruments qui accompagnaient le son à ce moment ; finalement la sonorité des maracas de Rafael Cueto ajoutait une nouvelle percussion. Si cela ne suffisait pas, l’ampleur des voix fermait le cercle musical, en des temps où l’on commençait déjà à parler de soneros.
Le son n'était pas le même dans l'orient et dans l'occident de Cuba. Là naissait le boléro son et le trio Matamoros commençait sa marche triomphale, une marche qui convertissait en succès chaque thème composé par Miguel dont l'intuition naturelle le poussait à composer un son mettant un accent tonique sur l’antépénultième syllabe – tout un défi à la grammaire et à la musique. Dans l'occident naissait l'ensemble sonero grâce à l’œuvre et au talent d'Arsenio Rodriguez. Les sextuors et les septuors paraissaient s’épuiser ; l’ère des ensembles du son commençait.
Le son laissait la montagne et s’aventurait dans le monde. Les bandes de jazz l'attendaient dans un coin et un bon ménage qui n'a jamais cessé bien que l’on écoutait encore le Son de la loma et que Siro, Cueto et Miguel soient une image décolorée dans tout album de collectionneur et de la chance d'un bon son.
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