Petra, la légende Fassbinder à La Havane


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Petra, la légende Fassbinder à La Havane

Petra Von Kant a toujours souffert. Elle pleure l'amour non-partagé, les passions opportunistes, les caresses intéressées. Elle méprise celui qui l'aime vraiment. Elle vit le cycle triste des êtres à l'esprit aveugle.

Quand elle est arrivée à La Havane cela fait plus de dix ans, elle a dit qu'elle avait appris la valeur de la solitude, mais au plus profond de soi, elle savait que ce n'était pas vrai. Dans le programme de la pièce de théâtre dont elle a été la protagoniste dans la salle Trianon, de la capitale, l'on pouvait lire un message de désarroi envers Rainer Werner Fassbinder, son créateur:

« Toi, à tes personnages. Moi, à mes mannequins. Des femmes au visage impénétrable et parfait, chez lesquelles l'amour devient impossible et brûlant. Je te rappelle ainsi, brûlant et impossible. Dans une ville allemande où tous s'habillent suivant ce que j'imagine et où ils parlent avec les dialogues que tu signes jour après jour. J'aimerais te dessiner un dernier costume. Mais je sais que tu ne viendras pas et cela je le comprends aussi ».

Bien évidemment, le dramaturge et réalisateur allemand n'avait rien à faire à Cuba. Elle était déprotégée, dans une mise en scène du directeur Carlos Díaz, avec une version de Norge Espinosa. Teatro El Público devait jouer cette histoire. “Die bitteren Tränen der Petra von Kant” allait être écouté en espagnol: « Las amargas lágrimas de Petra Von Kant » (Les larmes amères de Petra Von Kant).

Depuis lors, Petra a toujours été dans la peau de Fernando Hechavarría qui, dans un jeu spectaculaire de genres, a combiné des gestes et des regards, des mouvements et des tons de voix, des solitudes, des angoisses, des peines... Nous souffrons tous son humiliation par Karin (à l'époque Lester Martínez). Nous avons tous voulu lui crier pour qu'elle corresponde aux câlineries de son assistante Karen (Yanier Palmero). Nous avons tous éprouvé sa catharsis pour semer l'amour en terrain ingrat. Nous avons tous essayé de comprendre la solitude et nous nous sommes presque asphyxiés.

À l'époque, le groupe d'acteurs était formé aussi d'Ismercy Salomón, de Mónica Guffanti et d'Alicia Hechavarría. En 2018, à l'occasion du festival Artes de Cuba (Des Arts de Cuba), la pièce est arrivée les 16 et 17 mai au Kennedy Center de Washington, avec les acteurs Fernando Hechavarría, Roberto Romero, Yanier Palmero, Luis Manuel Álvarez, Clara González et Alicia Hechavarría.

Le même lit avec les mêmes draps blancs est redevenu le centre de la scène entouré de porte-manteaux, de tenues brillantes, de glamour : un monde apparemment élégant et plein de succès d'une dessinatrice de modes qui survit parmi des larmes amères, des leurres et des déchaînements.

Avec une nuance humoristique subtile, la mise en scène de Carlos Díaz a été marquée par des dialogues qui ont provoqué des réflexions hostiles et crues au sujet de la vie que nous menons nous-mêmes. Le tout a été complété par la participation de Vladimir Cuenca, chargé des costumes; de Roberto Ramos Mori, du scénario et de Carlos Repilado Beltrón, de l'éclairage. Les acteurs se sont nourris de beaucoup de misères humaines et ils ont incarné de façon magistrale leurs personnages, sans préjugés, sans normes. Il n'y a pas d'autre chemin pour inviter à la rectification (nécessaire).

« Le documentaire Fassbinder (…) illustre avec les commentaires de Margit Cartersen et, surtout, d'Hanna Schygulla, les coïncidences entre les personnages masculins créés par le directeur et cette légende qu'il a lui-même créée pour lui durant sa courte vie. Il est intéressant de voir à quel point le cinéaste révélait dans « Les larmes amères de Petra Von Kant » sa propre relation orageuse avec Günther Kaufmann, acteur qui a été sa première obsession passionnelle », explique le journaliste Carlos Bonfil.

Pour l'occasion, Rainer Werner Fasbinder ne viendra pas non plus à La Havane et beaucoup d'êtres continueront à manquer de boussole. Donc, comme dans le programme de la mise en scène de 2008, écrit par Norge Espinosa, Petra demandera de nouveau : « Qu'est-ce que tu fais quand tu te sens de cette façon, quand tu n'en peux plus et quand l'amour envers toi-même t'asphyxie?

Traduit par: Reynaldo Henquen


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